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Tribune Libre accordée à Maître Matthieu TORET, Fondateur du Cabinet ENERLEX Avocat : « Le coup d’envoi au mécanisme d’ajustement carbone aux frontières »

Maître Matthieu TORET, Fondateur du Cabinet ENERLEX Avocat Maître Matthieu TORET, Fondateur du Cabinet ENERLEX Avocat

Le Parlement européen a adopté le 10 mars 2021 une nouvelle résolution portant sur un mécanisme européen d’ajustement des émissions de carbone aux frontières. Cet outil constitue l’un des outils du Pacte Vert européen ayant pour objectif de faire de l’Europe le premier continent neutre en carbone.

Contexte

La décarbonation de l’économie, en tant qu’objectif majeur de la politique environnementale de l’UE, est actuellement mise en œuvre par l’intermédiaire du système d’échange de quotas d’émission de l’UE (SEQE-UE). Ce système est agencé sur un marché du carbone plafonnant les émissions de gaz à effet de serre de certaines industries localisées au sein de l’UE.

Le nouveau mécanisme proposé par le Parlement européen viendrait compléter le marché du carbone par l’instauration d’une tarification carbone sur certains bien importés au sein de l’UE. Le couplage de ces deux mécanismes permettrait de renforcer la lutte contre les délocalisations d’industries (appelées « fuites de carbone ») attirées par des réglementations nationales environnementales moins contraignantes ou moins ambitieuses en matière de changement climatique.

Par cette résolution, le Parlement européen montre son ambition d’étendre la maîtrise et la réduction des émissions de gaz à effet de serre aux produits importés pour être consommés au sein de l’UE.

Fonctionnement

Le dispositif est prévu pour une application à compter de l’année 2023. La tarification s’appliquerait à terme à tous les biens couverts par le SEQE-UE et en tout état de cause, dans une première phase, au secteur de l’électricité et aux secteurs industriels à forte intensité d’énergie (ciment, acier, aluminium, raffinage de pétrole, papier, verre, produits chimiques, engrais). Elle concernerait tant les produits finaux que les produits intermédiaires.

La tarification des importations serait spécifique à chaque produit et sensible à l’emprunte carbone directe et indirecte des produits importés (par exemple, l’intensité carbone du réseau d’électricité du pays d’origine des biens).

On soulignera enfin la volonté du Parlement européen d’adosser ce nouveau mécanisme à la mise en place de nouvelles normes plus contraignantes pour les produits mis sur le marché de l’Union. On peut imaginer que la conjugaison de ces mesures, prises dans leur ensemble, aura pour effet de contraindre les produits étrangers à des standards européens de décarbonation toujours plus ambitieux. Une manière de rendre les productions européennes plus compétitives tout en poursuivant les objectifs environnementaux de long terme propres au Pacte Vert et aux Accords de Paris.

Mise en œuvre

L’adoption de la résolution du Parlement européen ne fait qu’établir un projet auquel la Commission est chargée de répondre sur le plan législatif. A cet égard, plusieurs interrogations demeurent quant à la nature juridique du nouveau dispositif. Des questions politiques vont sans nul doute influencer l’orientation du texte, selon qu’il soit décidé d’en faire un mécanisme d’ajustement ou un véritable instrument fiscal. On rappelle que dans ce dernier cas, c’est une adoption délicate à l’unanimité des Etats membres qui est requise.

Le Parlement européen quant à lui préconise une approche autre que fiscale, similaire à celle du SEQE. Les importateurs de produits polluants seraient à ce titre contraints d’acheter des droits d’importation au sein d’un réservoir de quotas dont la fluctuation des prix permettrait une flexibilité des contraintes pesant sur les importations. Flexibilité qu’une taxe ou un droit d’accise peinerait à assurer par l’instauration d’un taux ou droit fixe.

Une telle approche aurait par ailleurs pour avantage d’asseoir le montant des droits sur les seules exigences environnementales et non sur une posture protectionniste, favorisant ainsi une meilleure adéquation avec les règles de l’Organisation Mondiale du Commerce.

Prochaine étape

La Commission est chargée de présenter une proposition législative au second trimestre 2021 sur la base de la résolution présentée par le Parlement européen. Le rapporteur Yannick Jadot évoquait à ce sujet : « le Parlement montre la voie, nous attendons le même niveau d’ambition de la part de la Commission européenne et des Etats membres ».

Maître Matthieu TORET, Fondateur du Cabinet ENERLEX Avocat  

A propos d'ENERLEX Avocat :

ENERLEX est un cabinet d'avocat spécialisé dans le droit douanier, la fiscalité énergétique et la fiscalité environnementale.

Source : Cabinet ENERLEX Avocat

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Dernière modification le lundi, 22 mars 2021 17:58