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Tribune Libre accordée à Bernard BEAUZAMY, Fondateur de la Société de Calcul Mathématique SA : « Outils mathématiques en épidémiologie, analyse critique et recommandations »

Bernard BEAUZAMY, Fondateur de la Société de Calcul Mathématique SA Bernard BEAUZAMY, Fondateur de la Société de Calcul Mathématique SA

« Ces dernières semaines, nous avons vu passer de multiples "modèles mathématiques" de propagation du coronavirus. Comme nous avons une expérience très ancienne de ces questions (plus de 25 ans), nous aimerions faire à la communauté quelques critiques et recommandations. 

  1. Analyse critique

Il n'est absolument pas possible, à l'heure actuelle, de faire un modèle mathématique de propagation du coronavirus, parce que l'on ne sait rien de cette propagation. On ne sait pas comment l'épidémie est née, comment elle se propage et pourquoi elle s'arrête. Il n'y a rien qui permette de penser que les mesures gouvernementales aient eu une quelconque efficacité.

Dans ces conditions, un modèle mathématique sera un empilement d'outils factices (équations différentielles, stochastiques ou non, hypothèses de contact, de transmission, modèles de diffusion, etc.) et selon le réglage qu'on leur donnera, on conclura inévitablement à une expansion exponentielle de l'épidémie, ce que les faits contredisent.

Retenons bien ceci : le mathématicien n'a pas vocation à travailler sous les feux de la rampe ; il a vocation à élaborer des lois à partir de données. Encore faut-il que les données existent.

Ceux qui élaborent des modèles factices, peut-être pour bénéficier de l'attention des médias et des financements disponibles à cette occasion, s'exposent à être démentis ensuite. On a de multiples exemples de prédictions dramatiques, concernant la propagation des épidémies, que les faits ont ensuite contredites.

  1. Recommandations

Cela ne veut certainement pas dire que le mathématicien a vocation à rester dans sa "tour d'ivoire" en calculant l'orbite de Mars pendant que la société civile s'occupe de santé publique ; bien au contraire. Voici deux lignes où nous pouvons être utiles :

- Il faut, par principe, aider les épidémiologistes en critiquant leurs modèles ; en règle générale, ils connaissent très mal les statistiques et ont tendance à faire une confiance aveugle aux résultats fournis par Excel, sans se soucier des hypothèses. Nous-mêmes avons fait cela, pour le compte de RTE, à propos des lignes à haute tension et de leur possible influence sur diverses maladies (voir [1]).

Le mathématicien, par définition, a un devoir de vigilance en ce qui concerne le traitement scientifique des données.

- Un travail vraiment très intéressant serait de collecter des données relatives à diverses maladies contagieuses, mettons sur 10 ans, et d'essayer d'en déduire des lois grossières : quels sont les paramètres qui ont la plus grande influence sur la durée de l'épidémie, sur le nombre de personnes touchées, etc. (voir à ce propos nos fiches "hiérarchisation" et "méthodes robustes", ref. [2], [3] plus bas).

Certainement, les épidémiologistes ont déjà fait ce travail en partie, mais le rôle du mathématicien est de les aider à définir des lois quantitatives, nécessairement grossières.

  1. Références

[1] La santé : http://scmsa.eu/fiches/SCM_Sante.pdf
[2] Hiérarchisation de paramètres : http://scmsa.eu/fiches/SCM_Hierarchisation.pdf
[3] Méthodes robustes : http://scmsa.eu/fiches/SCM_Methodes_robustes.pdf ».

Bernard BEAUZAMY*

Source : Société de Calcul Mathématique SA

*Bernard BEAUZAMY, est un ancien élève de l'Ecole polytechnique (promotion 1968). En 1976, il obtient un Doctorat d'Etat ès Sciences en mathématiques, sous la direction de Laurent Schwartz. En 1995, il crée son entreprise, la Société de Calcul Mathématique, une entreprise spécialisée dans l’analyse et les probabilités, la théorie des nombres, le traitement du signal et de l'image, la modélisation, le calcul scientifique et l’optimisation.

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Dernière modification le mercredi, 29 avril 2020 15:44

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