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Syndicat de l'Environnement, la Forêt et l'Agriculture (EFA-CGC) : Lettre ouverte du 27 août 2019 à Monsieur le Premier Ministre, de Gilles VAN PETEGHEM - Secrétaire Général d'EFA-CGC

Gilles VAN PETEGHEM - Secrétaire Général d'EFA-CGC Gilles VAN PETEGHEM - Secrétaire Général d'EFA-CGC

"Monsieur le Premier Ministre, 

Face au constat désormais partagé de l'urgence de la lutte contre les changements climatiques et l'érosion de la biodiversité, vous avez rappelé récemment et à plusieurs reprises la priorité que constituait pour votre gouvernement la transition écologique.

Vos agents en poste dans les services du ministère de la transition écologique et solidaire et des agences ou des offices qui en relèvent font quant à eux le constat des coups qui sont portés à ces politiques par la conjonction d'une réorganisation précipitée des services à moyens réduits, et d'un détricotage obstiné des réglementations et organisations en place.

Je fais référence ici notamment aux circulaires du 24 juillet 2018 relatives à l'organisation territoriale des services publics et à la déconcentration et l'organisation des administrations centrales et à celle du 12 juin 2019 sur la mise en œuvre de la réforme de l'organisation territoriale de l'État.

Le dessaisissement de certaines procédures d'autorisation essentiellement instruites au niveau régional par les DREAL (ou plus rarement au niveau national), semble se concrétiser au profit d'une instruction à l'échelle départementale, avec des possibilités de dérogations à diverses réglementations. C'est le cas notamment pour la protection des espèces ou la modification d'aspect des réserves naturelles nationales.

D'autres missions exercées au niveau régional sont également susceptibles d'être impactées dans les domaines de la police de l'eau, de l'inspection des sites (sites inscrits, sites classés), voire des installations classées (les industries, pour faire court).

La légitimité d'une instruction de niveau régional pour de telles procédures nous paraît pourtant entière. Leur forte spécificité implique l'intervention d'agents instructeurs spécialisés, à fort degré d'expertise, impossible à décliner à l'échelle de chaque département.

Par ailleurs, l'instruction de niveau départemental confrontera inévitablement les enjeux environnementaux aux enjeux économiques locaux, de court terme, au risque de voir se multiplier des dérogations à des réglementations pourtant reconnues comme essentielles.

La prise en compte de la diversité et de la spécificité des territoires, prévue dans le projet de loi pour un État au service d'une société de confiance, ne doit pas aller à l'encontre des fondamentaux liés à la préservation de l'environnement.

A titre d'illustration et parmi d'autres1, un projet de décret du ministère de la transition écologique envisage une déconcentration immédiate et massive des compétences dévolues au conseil national de la protection de la nature (CNPN) en matière de dérogations à la protection des espèces vers les conseils scientifiques régionaux du patrimoine naturel (CSRPN), sans évaluation préalable digne de ce nom ni prise en compte de la très grande fragilité d'instances régionales constituées uniquement de bénévoles et déjà parvenues à saturation dans de nombreuses régions dans le cadre de leurs nombreuses missions actuelles.

S'agissant d'un outil réglementaire majeur pour la protection des espèces (et qui suscite, il est vrai, à ce titre l'agacement de certains aménageurs...), il s'agit d'un coup dur porté à la politique de préservation de la biodiversité, en incohérence complète avec les ambitions affichées par le gouvernement.

D'autres inquiétudes émanent du rapport du comité d'Action Publique 2022 proposant l'extinction de nombreuses fonctions actuellement exercées en DREAL et envisageant le transfert potentiel de missions actuellement exercées en DREAL ou DDT, vers une Agence (régulation du trafic aérien, mise en œuvre des mesures de contrôle et de répartition des produits et matières premières énergétiques, mise en œuvre de la politique d'aménagement sur le territoire...).

Monsieur le Premier Ministre, par la présente lettre ouverte, EFA-CGC vous demande de mettre en cohérence votre discours sur les enjeux environnementaux avec les moyens développés pour les atteindre. 

Le défi inégalé auquel nous sommes confrontés implique une politique publique à la fois ambitieuse et cohérente ; il ne pourra en aucun cas être relevé en diminuant les moyens alloués aux services de l'État et en affaiblissant gravement le cadre réglementaire en place.

Nous espérons donc que votre lecture des propositions que vous feront les préfets sur l'organisation de l'État dans leurs territoires sera faite en tout conscience des risques à éviter pour l'atteinte des objectifs de la France en matière de transition écologique.

Recevez, Monsieur le Ministre, l'expression de la haute considération des mandants que je représente et la mienne."

Le Secrétaire Général d'EFA-CGC, Gilles VAN PETEGHEM

1 Ce projet s'ajoute à une longue série d'initiatives récentes concourant à un affaiblissement inédit des procédures environnementales dont :
- relèvements des seuils d'autorisation, suppression de l'interdiction d'extension en zones d'excédent structurel, abandon des plafonds d'épandage pour certains élevages ;
- réduction des délais de recours à l'encontre des autorisations d'exploiter les installations classées ;
- réduction du champ d'application de l'évaluation environnementale des installations classées ;
- expérimentation dans plusieurs régions du remplacement de l'enquête publique par une « simple » consultation numérique quand une concertation préalable a eu lieu (Loi Essoc 2018) ;
- déconcentration de la délivrance des autorisations de travaux en site classé...

Source : Syndicat de l'Environnement, la Forêt et l'Agriculture EFA-CGC

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Dernière modification le samedi, 23 novembre 2019 22:23
La Rédaction

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