Scoop SecteurVert.com : Que pensez-vous du concept de l'Agriculture en ville ?

Jacques-Antoine CESBRON : L'agriculture en ville correspond à un nouveau mode de consommation, à un nouveau mode de vie. On appelle ça les "locavores". En tout cas, une nouvelle génération, et pas seulement, peut-être des plus anciens, qui veulent consommer ce qui est produit localement.

Quand on sait qu'une salade aujourd'hui, que nous consommons vous et moi, a fait en moyenne 1 000 km d'arriver dans nos assiettes, c'est pas très logique, économiquement et écologiquement. Donc, consommer ce qui a été produit localement, cela devient de plus en plus important parmi nos compatriotes et surtout chez les jeunes. Donc l'agriculture urbaine, c'est quelque chose qui commence à se développer. 

On a connaissance, en tant que Végépolys, d'un certain nombre de projets collaboratifs pour faire de l'agriculture urbaine et dans ce cadre là, nous avons inauguré à la mi-octobre 2016, le démonstrateur de la Ferme Urbaine Lyonnaise (FUL) qui en vraie grandeur, depuis maintenant quelques mois, teste les rendements, les productions. Ainsi, il a pu être démontré que les rendements sont exceptionnellement élevés.

Scoop SecteurVert.com : Mais est-ce que ce n'est pas incongru de développer l'Agriculture en ville alors que le prix du m² est déjà très élevé ?

Jacques-Antoine CESBRON : Vous avez peut-être vu le film "Demain" (ndlr :un film documentaire français réalisé par Cyril Dion et Mélanie Laurent, sorti en 2015) qui montre ce que sera l'évolution, et cela va dans le bon sens : il y a eu des friches industrielles urbaines, comme à Detroit, aux Etats-Unis, qui ont été accaparées par les habitants pour produire... donc là, la surface existait.

Mais aujourd'hui, ce qui va se passer avec un prototype comme le FUL -mais il y en a plein d'autres, on a connaissance de deux ou trois autres projets à Angers- c'est que l'on va être sur du vertical. Donc soit on pose une serre en terrasse de toitures déjà existantes, soit on la pose au sol mais avec une dizaine de niveaux cultivés. Donc du coup, on rentabilise énormément, avec un système extrêmement mécanisé.
Alors oui, le foncier coûte un petit peu plus cher en ville, mais on le divise par dix puis qu'on a dix étages et on gagne énormément sur les transports.

Scoop SecteurVert.com : Donc, autrement dit, on est sur de la culture hors-sol ?

Jacques-Antoine CESBRON : On est sur de la culture hors-sol. Je pense qu'il faut démystifier ce concept. Beaucoup d'habitants, beaucoup de nos compatriotes, pensent : "culture hors-sol, donc artificielle". En réalité, pas du tout. C'est quoi la culture hors-sol ? Déjà, la plupart des consommateurs achètent des endives, qui sont poussées hors-sol. Il s'agit d'un milieu nutritif qui peut être un média de laine de roche, par exemple, donc tout à fait minéral sur lequel on va mettre de l'eau et des sels minéraux. De l'eau dont on connaît la qualité, qui n'a pas été polluée, des sels minéraux qui sont des nutriments de base du végétal. Et c'est fini, c'est tout. Donc cela veut dire que l'on a pas de prédateur, que l'on a pas de microbe pouvant attaquer les végétaux (ce qui nécessiterait d'avoir recours à des intrants phytosanitaires). Bien au contraire, on est totalement naturel.

Ensuite, il y a la question de l'éclairage. Il faut soit de la lumière naturelle, comme le soleil dans les serres, soit de la lumière reconstituée dans des maisons "fermées", comme pour les endives. On sait aujourd'hui reproduire le spectre solaire avec des LED qui ne coûtent rien du tout. Du coup, on a de la production toute l'année, avec du hors sol toute l'année, avec des rendements extraordinaires. Donc, finalement, c'est le consommateur qui est gagnant : il va manger plus sain, moins cher, avec moins d'empreintes carbone et moins d'empreintes écologiques. 

Scoop SecteurVert.com : Y a-t-il de la recherche et du développement autour de semences plus adaptées à la culture en ville ?

Jacques-Antoine CESBRON : On se rend compte qu'il y a des progrès à faire au niveau des rendements et, en particulier, au niveau des semences adaptées aux fermes urbaines, car il faut onze ans pour créer une nouvelle semence !

Scoop SecteurVert.com : En ce qui concerne les jardiniers ammateurs, comment leur expliquer ces concepts ?

Jacques-Antoine CESBRON : Avec Végépolys, nous travaillons également avec la Direction de Pôle Emploi, pour créer des jardins urbains pour faire travailler des gens, à l'inverse du concept FUL, avec du manuel : c'est à dire, faire travailler des gens peu qualifiés, près de chez eux, dans des friches urbaines, pour produire des végétaux.

Tout cela complète l'action des jardiniers amateurs, qui ont leurs jardins ouvriers, leurs terrasses, leurs balcons, leurs potagers verticaux (comme le propose la Sté Carré Serre). Heureusement, il y a toute une palette de fermes urbaines et à Végépolys, on est au cœur de tout cela car notre rôle est de mettre en relation tous ces acteurs. Nous sommes à un virage très important où la ville se réapproprie ce qui était fait à l'extérieur, avant. Et pédagogiquement, c'est aussi très intéressant pour les enfants ! ".

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Source : Végépolys